Le gunpla est-il toujours de la maquette ?


Rédigé par Zenkuro le Mardi 26 Juin 2018 à 20:06 | Lu 2610 fois | 8 commentaire(s)



Image de Gundam Build Divers épisode 6
Je sais la question provocatrice et je sens déjà les fans de gunpla allumer leurs torches et venir frapper à ma porte.

Regardons tout d’abord ce qu’est une maquette. L’une des définitions données par le dictionnaire Larousse est la suivante « Ensemble de pièces à monter pour obtenir une reproduction en modèle réduit de quelque chose, en particulier d'un avion, d'un véhicule. » Le Gunpla est donc bien une maquette. Nous avons des pièces à assembler soi-même pour obtenir une reproduction à l’échelle d’un Mobile Suit. Et quiconque a ouvert une boite de maquette « traditionnelle » dans sa vie pourra vous dire qu’avec toutes ses grappes, un Gunpla y ressemble fichtrement.

Pour autant, au regard de sa politique commerciale, Bandai considère-t-il toujours les gunpla comme de véritables maquettes ?

On peut légitimement se poser la question. Car au-delà de l’objet à assembler, la maquette est un hobby pluri-diciplinaire qui intègre, outre le simple assemblage du modèle, d’autres dimensions telles que la mise en peinture, l’amélioration du détaillage, la customisation, le kitbash, le scratch, la mise en scène dans un diorama, etc...

Vous me répondrez alors, à juste titre, que c’est exactement le cas du Gunpla : si nos chers MS miniatures peuvent être montés sans colle ni peinture, nous sommes nombreux à les peindre et à les améliorer. Et en ce sens il s’agit parfaitement de maquettisme.

Pour autant, ce que propose Bandai avec le Gunpla répond-il à ce que peut attendre un maquettiste ? Toute la question est là et c’est le cœur de mon sujet.

Pour bien comprendre, il faut remonter aux origines du Gunpla, dont j’ai d’ailleurs retracé l’histoire jusqu’en 2008 dans les pages de HF.

Lorsque Bandai lance le Gunpla en 1981, il s’agit de maquettes pures et dures, dans le sens où classiquement il fallait coller et peindre les modèles, comme n’importe quelle autre maquette classique. Progressivement, Bandai a amélioré son process industriel pour faire du gunpla une maquette accessible à tous, susceptible de satisfaire tant les maquettistes confirmés que les fans simplement désireux d’avoir une représentation à monter soi-même et à moindre coût de leur MS favori. C’est ainsi que le snap fit et le moulage en couleur sont nés, s’améliorant sans cesse d’année en année.

A ce titre, le début des années 2010 a constitué un véritable âge d’or du Gunpla. Les kits proposés étaient d’une qualité exemplaire : un assemblage au millimètre et un niveau de détails très poussé permettaient de satisfaire tous les publics. Les MG Sazabi et Nu Gundam ver. Ka en sont les plus beaux exemples. Et pour ceux qui voulaient quelque chose d’encore plus proche de la maquette traditionnelle, Bandai proposait les gammes EX-Model et surtout UC Hard Graph, consacrées aux vaisseaux et véhicules de la saga.

Puis, à partir de 2013 environ, on a vu Bandai prendre un nouveau virage. Les nouveaux kits sont apparus progressivement de moins en moins détaillés, de plus en plus lisse. Il suffit de comparer le Hi Nu Gundam ver.Ka avec le Nu Gundam ver.Ka, dont il est théoriquement une évolution, pour voir la différence en termes de richesse des panel lines et des détails et ainsi bien comprendre la chose. De même les gammes orientées maquettistes ont été abandonnées.
Le MG Nu Gundam ver. Ka sorti en 2012e et le MG Hi-Nu Gundam ver.Ka sorti en 2014. On constate la baisse de niveau du détaillage de l'armure de l'Hi-Nu, beaucoup plus lisse..

Je ne dis pas que le gunpla a intrinsèquement perdu en qualité. La précision de l’assemblage est globalement exemplaire et à faire rougir pas mal de marques de maquettes bien connues. De même le plastique utilisé, bien que sensible au white spirit, est agréable à travailler et offre une qualité de moulage sans défaut.

Mais on ne peut que constater qu’à présent Bandai ne déploie plus ses efforts d’ingénierie pour améliorer le niveau des détails mécaniques et du réalisme visuel des Gunpla. On pourra citer le Deep Striker sorti cette année et testé dans ces pages, dont le niveau est digne d’un kit des années 2000, ou encore le prochain MG Jegan qui, en dépit d'une frame plutôt intéressante, est globalement très lisse. Difficile d'affirmer que ce kit est supérieur à un MG 2.0 tel que le Zaku II sorti 10 ans plus tôt. Au contraire, ces vieux kits tiennent encore la dragée haute à de nombreuses nouveautés !
Le prochain MG Jegan (à droite), prévu pour juillet 2018, propose une frame sympathique mais est tristement plat au niveau de l'armure. Les MG 2.0 des années 2000, ici le MG MS-06S Zaku II 2.0 (à gauche), s'avèrent supérieurs sur les deux points.

En effet les priorités des ingénieurs de la firme japonaise se portent dorénavant sur 3 points :

- le découpage au maximum les pièces par couleurs, afin d’avoir, sans peinture, un rendu le plus proche possible du modèle d’origine. Si cette complexification de l’assemblage est destinée à permettre un montage en « no paint » visuellement satisfaisant, elle ne présente que peu d’intérêt pour ceux d’entre nous qui peignent leur modèle.

- la mobilité et les gimmicks. Bandai a grandement amélioré les articulations de ses gunplas au point qu’il est courrant de voir des modèles avec des plaques d’armure mobiles, tel que le MG RX-78-2 Gundam ver. 3.0. Le récent GM Sniper II est un autre exemple de mobilité poussé à son paroxysme. La volonté est de pouvoir offrir aux gunplas des poses diversifiées et très dynamiques, à la manière d’une action figure. Pour autant, cela ne présente qu’un intérêt limité pour les maquettistes qui font généralement le choix d’une pose fixe qu’ils ne changeront que très rarement.

- les éclairages à LED. Alors ça c’est la grosse nouveauté que nous vend Bandai à prix prohibitif depuis le PG Unicorn. Avant cela on avait déjà eu droit à plusieurs Gunpla proposant des LED. Mais sur le PG Unicorn c’est véritablement la première fois que le kit est entièrement conçu autour de cette gimmick, vendue à prix d’or. Ce fut à nouveau le cas avec le PG Exia, qui malgré ses effets pyrotechniques et une mobilité exemplaire, est visuellement assez pauvre. On pourra également cité le Gundam F91 ver.2.0 qui, s’il apporte un système d’éclairage du buste novateur, n’est finalement pas vraiment plus détaillé que la première version MG. Or, les systèmes de LED ne présentent en réalité que peu d’intérêt. Honnêtement, on les allume une ou deux fois pour tester, on s’extasie dans le noir et puis… on ne les rallume plus jamais.
Le PG Exia a été conçu autour de son système de LED, un gadget optionnel bien onéreux

Développement du no paint, de la mobilité, des LED… autant d’éléments qui rapprochent plus le gunpla du monde du jouet que de celui de la maquette, alors que dans le même temps on assiste à une baisse notable du niveau de détails. Sans parler qu’il est de plus en plus rare de trouver des décals à l’eau dans un gunpla !

Or si l’on regarde les autres gammes de kits Bandai : Votoms, Yamato 2199 et 2202, Macross..., on s’aperçoit que non seulement le niveau de détail de ces kits est de très bon niveau, mais en plus nous avons droit à de superbes planches de décals. Regardez-donc les versions Deculture des Valkyries de Bandai…

On comprend alors que le Gunpla reçoit un traitement différent des autres gammes de la marque. Un traitement inférieur diront les maquettistes chevronnés. Cela peut traduire une volonté de Bandai de tirer les prix du Gunpla vers le bas afin de les proposer à un public toujours plus large. Après tout, les onéreux kits P-Bandai, à tirage limité et vendus exclusivement sur le shop en ligne de Bandai, possèdent bien des décals à l’eau, eux !
Le SV-262Hs Draken III de Bandai et ses superbes décals à l'eau de la version Deculture

Un autre point qu’il est intéressant de relever, est le terme de "builder" utilisé par Bandai pour désigner les fans de Gunpla, et repris avec enthousiasme par la communauté. Un terme que personnellement je n’aime pas du tout tant il est restrictif. D’abord parce que je trouve ça stupide de créer un terme spécifique pour désigner les gens qui font du Gunpla. Cela revient à vouloir compartimenter la communauté alors que nous sommes tous des maquettistes. Ensuite par sa définition même : builder signifie littéralement constructeur. Ce terme semble vouloir circonscrire le gunpla au simple montage, et n’évoque clairement pas tout les autres aspects du hobby, dont la peinture.

On peut d'ailleurs constater que les magazines spécialisés japonais n’utilisent jamais le terme de builder, mais celui, plus classique, de modeler. Maquettiste donc. Évidement la logique d’imposer le nom "builder" est purement marketing pour Bandai.

Pour conclure, les différents arguments développés ici me font penser que Bandai ne cherche plus véritablement à vendre le Gunpla comme une maquette, mais comme un jouet à monter soit même. Un jouet qui, potentiellement, peut être peint, amélioré, customisé, certes. Mais clairement le maquettiste exigeant est abandonné par Bandai qui vise à présent majoritairement le grand public.

Ainsi, alors que les grandes marques de maquettes traditionnelles proposent des kits toujours plus détaillés, avec décals à l’eau, photodécoupe, pièces en résine ou métal, masques prédécoupés, Bandai a fait des choix tout autres, au point d’abandonner les gammes plus exigeantes qui auraient pu compléter son offre commerciale grand public.

D’où ma question : le gunpla est-il encore de la maquette ? Aux yeux de Bandai peut-être plus vraiment. Et il est vrai que nombreux sont les amateurs de gunplas qui sont parfaitement satisfaits d'assembler des modèles agréables à monter et qui posent bien sans travail supplémentaire. Mais il est dommage de constater que Bandai pense de moins en moins à ceux qui ont envie de pousser ce hobby plus loin, en favorisant l'option grand public à l'option maquettiste confirmé.

Il ne s'agit d'ailleurs pas de considérer que l'une a plus de légitimité que l'autre. Au contraire, je regrette l'époque où Bandai arrivait à concilier les deux, chacun y trouvant son compte, et cela d'autant plus que lorsqu'on devient addict au gunpla, on a rapidement envie d'aller plus loin que le simple no paint !

Et vous, qu'en pensez-vous ? J’attends vos avis sur le sujet :)


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